ROLLAND SLAVE DE MONGOLIE
Nous arrivâmes sur le boulevard Haussmann, une artère faite d’immeubles parfaitement alignés qui se dressent comme un rempart, mais subitement tout change car à l’arrière de celui-ci, nous pénétrons dans les arcanes du pouvoir, sur la droite, la voyez-vous cette rampe remplie de pavés qui s’échappent de la rue avec tant de grâce ? C’était là où, autrefois, les carrosses arrivaient pour franchir cette porte discrète ornée de deux aigles de bronze, là où l’empereur aurait dû accueillir ses invités en toute discrétion. « De quel style est le nouvel opéra ? » demanda, en son temps, l’Impératrice Eugénie. L’architecte Charles Garnier lui répondit : « C’est du Napoléon III, Madame. »
Nous voici donc devant l’Opéra Garnier pour la présentation de Stéphane Rolland, et dans la brume du désert des Tartares à la limite de l’Oural, là où le désert de Gobie commence et où la frontière de la Chine est si proche, c’est sur un air de Jessye Norman, que le créateur à la barbe bien taillée et au cheveu de d’Artagnan charge l’histoire d’une collection Haute Couture, et, comme un signe, il sort de son sillage pour prendre son envol, l’amour de la couture transcende toutes les frontières, qu’elles soient géographiques, sociales ou politiques car il parle au cœur de chacun, et Rolland nous parle au coeur.
Lorsque Rolland admire une fleur, et même si celle-ci pousse au-delà de l’Himalaya, il va la cueillir dans cet endroit inaccessible, et seulement pour notre plaisir. Comme un jeune chasseur escaladant les rochers, là où le hurlement des loups déchire le silence de la nuit, quand la lune, en plongeant dans le lac, reste inaccessible au regard froid du public il arrive quand même à réchauffer nos âmes à chaque robe.
Une feuille d’or portée par le courant des sens, qui vogue dans la rivière prenant congé du cycle de la couture de bas étage pour s’élever au-dessus des autres, dans la lumière qui tombe comme un rideau noir un instant et qui réapparait pour une longue robe rouge de la forme d’une domra. Un feuillage doré coulait de son épaule comme une cascade de virtuose. Des modèles parfaits portant de longues robes s’évasant aux chevilles étirant les silhouettes, minimalistes et épurées, mais loin s’en faut, certainement pas austères. Une muse d’ébène portant une robe bourgogne dont le haut est saupoudré de diamants suivie par une robe noire avec manches extra-longues d’où coulait sur l’épaule une cascade de beauté. Rolland sait embellir l’existence, il sait sourire à l’espérance, quand l’espérance lui sourit. Il nous donne aujourd’hui une de ses meilleures collections.
Anonymode