LE ROI DES CARTES

Non classé

Quand vous passez rue de la Verrerie, on imagine les meilleurs faiseurs de flacons de parfum et verres en cristal, mais il n’en est rien. Si on y regarde un peu plus près, ils sont là tous deux, habillés à la mode du XIVe siècle. Lui, c’est Charles VI et elle, c’est Isabeau de Bavière, son épouse. Ces deux promeneurs anonymes donnèrent à un émailleur habile, nommé Jacquemin Gringoneur, en 1395, l’idée de peindre le couple sur des petits rectangles d’email et cela au 28 de la rue de la Verrerie. Ce lieu abrite, depuis le XI° siècle, la corporation des peintres sur verre et celle des émailleurs. Si durant l’époque Carolingienne, la mode des émaux sur les bijoux et pièces d’apparat se développe, c’est au XIIème siècle que la France, et spécifiquement la ville de Limoges, qui s’impose comme un centre névralgique de cet art.

Distraire le roi Charles VI, qui est sujet à de graves crises de démence, est un enjeu pour l’artiste émailleur; et il a l’idée de dessiner un lot de trente-six cartes avec des figurines, qui permettra d’infinies combinaisons pour des jeux aussi différents que le piquet, la manille, ou la belote.

L’engouement pour les cartes fut immédiat, à tel point qu’un édit royal dut être pris en 1397 pour en interdire l’utilisation durant les jours ouvrables ! L’histoire de France ne se passera plus de ces cartes, mais l’émailliste de la rue de la Verrerie n’a pas créé ces cartes à partir de rien. Les Chinois possédaient leurs propres cartes, plutôt destinées à lire l’avenir qu’à passer le temps. Les Espagnols, les Perses et les Indiens se sont essayés à procurer du divertissement à partir de petits cartons colorés. Mais, c’est l’innovation de Gringoneur, et ce jeu offert à un roi fou, qui a séduit le monde.

FM