GUIMET EN PARENTHÈSE

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Le pavé vieilli et suspendu m’emporte dans le charme doré et froissé de l’automne. Je regarde la façade de ce monument si beau et si différent, comme un éclair unique et fidèle de l’aube légère, là où l’habit des arbres chuchote des notes de feu aux yeux émerveillés de la muse qui m’accompagne.

Le musée du grand industriel, Émile Guimet, est maintenant à ma portée, et ce grand homme qui avait la volonté de créer une place aux religions de l’Égypte, de l’Antiquité classique et des pays d’Asie était un visionnaire au-delà des préjugés. Un voyage en Égypte, en Grèce, puis un tour du monde avec étapes au Japon, en Chine et en Inde lui a permis de réunir cette importante collection. C’était hier soir, place d’Iéna, et je fus saisi d’une interrogation sur la perception de l’Orient comme double de l’Occident.

 » L’Orient « ; création de l’Occident ou de son double et de son contraire : l’incarnation de ses craintes, un musée pierre de St-Pierre qui se veut être l’esprit de celui-ci tout entier.

L’Orient est tantôt une caricature, tantôt un complément de notre propre image, si proche de nous, et de Murakami a l’ère Meiji il triomphe sur notre territoire et les artistes Japonais affolent l’Hexagone car le Japon est une passion française. Jacques Mouclier, qui s’était rendu pour les premiers voyages d’étude des Métiers d’Art, sur la demande du gouvernement Français, là-même où il rencontra Pierre Bergé pour la première fois, rapportait sa fascination et de nouvelles perspectives pour la France. A sa sortie du bureau du petit haut fonctionnaire, à qui il venait rendre compte, il l’entendit dire à sa collaboratrice : « ce Jacques Mouclier a sûrement été envoûté par une Geisha » !

Même nos peintres aussi différents que Manet, Gauguin, Monet, Pissarro, Degas ou Renoir n’ont jamais cessé de rendre hommage au génie de Hokusai ou d’Utamaro. A partir de ce moment-là, l’art japonais devient partie prenante de notre propre histoire, si proche et si lointaine. Impossible de comprendre les paysages arlésiens de Van Gogh sans en passer par Kunisada, Kuniyoshi et Hiroshige, artistes réinterprétés par nos plus grands Maîtres.

Même en littérature, Paul Claudel, nommé ambassadeur à Tokyo en 1921, a un tel coup de foudre qu’on ne le reconnaît plus : choisissant le pseudonyme d’« Oiseau noir » (« Kuro tori ») se risquera à écrire une pièce pour le théâtre nô. Un musée où la quintessence d’une passion Française pourrait faire une centaine d’articles chaque semaine, un musée comme une bibliothèque des mondes, la bibliothèque de mon monde.

Anonymode

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